Laboratoire
PCR pour tous
Un nouveau mot est apparu depuis peu dans le vocabulaire commun des français, la PCR, dans l’expression « Les tests PCR » d’identification des patients porteurs du virus SARS-Cov2 (responsable de la maladie Covid-19). Mais que cache ce sigle ? Le site INSA vous donne une réponse cette semaine, et une version légèrement différente vous est exposée ici.
Ceux d’entre nous qui sont biologistes le connaissent depuis près de quarante ans car il a envahi le quotidien des laboratoires de biologie avec « une réaction en chaine » d’un genre nouveau à l’époque: la polymerase chain reaction. Un polymerase est une enzyme qui synthétise des brins de polymères (ici l’ADN, le support primaire de l’information génétique). Et dans le cas de figure de la PCR, de façon très rapide et cyclique : chaque cycle permet de doubler le nombre de molécules modèles présentes dans l’échantillon, et donc d’amplifier exponentiellement la quantité de celles-ci (des brins d’ADN de longues variable, souvent de 1000 unités de bases du polymère). Pour réaliser cela, il a fallu une astuce: le cycle en question alterne des températures permettant d’allonger la molecule en formation (la dupliquer d’après son modèle qui lui est collé), et une autre température permettant de décrocher le polymère de son modèle (donc de recommencer le cycle suivant). Mais pour faire cela, il faut une enzyme (une petite machine moléculaire qui est une protéine) qui résiste à la température de dissociation du polymère d’ADN (on dit de denaturation). C’est là que la nature intervient: dans les années 60, des microbiologistes à la fois curieux et casse-cou avaient découvert que les « fumeurs profonds », ces sources chaudes dans les profondeurs de l’océan, renfermaient des « bactéries » (on sait aujourd’hui que certaines en étaient mais d’autres pas, mais qu’elles venaient « du troisième règne du vivant », les archées). La principale propriété extraordinaire des ces microorganismes étaient de pouvoir vivre à ces températures et pressions hors norme (autour de 100°C). Leurs polymérases, comme la désormais célèbre Taq-polymerase (venant de la bactérie Thermus aquaticus), étaient donc exactement ce qu’il fallait pour réaliser le cycle de la PCR.
Un chercheur important à l’origine de la PCR, l'original californien Kary Mullis, a reçu le prix Nobel de chimie en 1993. On peut dire que cette découverte technologique relativement simple a révolutionné la pratique de la biologie, quasiment autant que les techniques impressionnantes de séquençage massif de l’ADN dans les années 2000 et dont le prix unitaire et les performances continuent de transformer la discipline actuellement. Pour conclure,
- sans la recherche fondamentale ayant élucidé l’une ce ces « énigmes inutiles » de la « microbiologie des 100°C » dans les confins océaniques,
- sans l’imagination technique et inventive d’une poignée de chercheurs européens et américains dans les années 70,
- il aurait été impossible de répondre aussi rapidement à la crise pandémique que nous vivons actuellement, et à laquelle des agents de l’INSA et d’autres institutions lyonnaises contribuent, par leur maîtrise routinière de cette technique de PCR.
... et le terme de PCR et son emblématique Taq serait resté caché dans les laboratoires de biologie, au lieu d’être dans toutes les bouches , de Mulhouse à San Francisco ou Kary Mullins avait exercé son talent atypique.
Il s’est éteint il y a moins d’un an, toujours en Californie...
* On peut rappeler qu’un laboratoire de l’INSA travaille actuellement sur ces micro-organismes extrémophiles, et continue d’en déchiffrer les étonnantes caractéristiques (M2E UMR MAP). Et que sa dernière doctorante en date vient de décrocher le prix de thèse de l'INSA de Lyon. Clin d'oeuil à Marta...